Hifi Vintage – Amplificateurs prestigieux des années 80 – Partie 1

Chers lecteurs et lectrices du blog, auditrices et auditeurs de la radio, je vous souhaite tout d’abord une excellente année 2022 qui d’après une éminente numérologue sera l’année de l’amour… C’est pour ma part ce que je souhaite à tout le monde bien que j’ai des doutes quant à la véracité de ses prédictions. Un camarade féru d’histoire et amateur d’argot m’a d’ailleurs assuré qu’il fallait se méfier du chiffre 22. En me disant cela, il évoqua Charles Virmaître qui y fit allusion en 1894 dans son “Dictionnaire d’argot fin-de-siècle” : Vingt-deux : couteau. “Jouer la vingt-deux : donner des coups de couteau.”

Après avoir évoqué quelques amplis haut de gamme des années 70 et 90, je me devais d’écrire quelques articles sur les plus belles électroniques d’amplification de puissance audio des années 80, âge d’or de la haute-fidélité japonaise. Je ne vais parler que de celles dont le son a laissé une empreinte indélébile dans ma mémoire auditive à l’occasion d’une écoute dans un auditorium commercial ou privé : mon choix sera donc très subjectif. Il s’agit de l’Accuphase P80 (1988), du Technics SE-A3 MK2 (1983), du Denon POA 3000 (1986), du Luxman Duo Beta M-05 (1984), du Marantz SM1000 (1982), du Onkyo M-5060 (1983), du Sansui B-2101 (1986) et du Yamaha M-80 (1984). Huit appareils (7 de marques japonaises et un de marque New-Yorkaise) dont je vais vous parler en deux articles. Commençons en beauté avec la superbe marque Accuphase.

Accuphase : (initialement connu sous le nom de Kensonic Laboratory, Inc.) est un fabricant japonais d’équipements audio haut de gamme basé à Yokohama, fondé par l’ancien ingénieur de Kenwood Jiro Kasuga à la fin de 1972. Kasuga embaucha des ingénieurs d’autres marques de premier plan (Marantz, Luxman) et lança Kensonic, avec Kenwood comme copropriétaire. Jusqu’au milieu des années 1990, Kenwood possédait toujours une partie de Kensonic. Il semble que les ingénieurs d’Accuphase aient pu participer à l’ingénierie des dernières séries haut de gamme de Kenwood (L-A1, L-D1 et LVD-Z1). Alors que Kenwood a désormais abandonné toute activité audio haut de gamme, Kensonic continue avec la marque Accuphase.

Les produits Accuphase sont bien considérés par les amateurs d’audio haut de gamme. Ils sont facilement identifiables par leurs grandes plaques frontales de couleur champagne et leurs grands doubles vu-mètres analogiques.

Accuphase explique le nom de la marque comme suit : “Le nom Accuphase a été adapté en prenant le préfixe ACCU du mot “précis”, et en le combinant avec PHASE qui est un facteur le plus important dans la technologie audio … c’est un nom de marque très approprié pour décrire nos produits qui représentent pleinement ceci mais aussi d’autres caractéristiques importantes, qui pénètrent dans les profondeurs abyssales de la technologie audio”.

Accuphase P800 (1987) & préampli Accuphase C200V :

Accuphase P-800 (1988)

Sur beaucoup d’amplificateurs de puissance, plus la puissance délivrée est élevée, plus la fidélité dans la reproduction des signaux de faible intensité est faible. Le P-800 qui a été développé avec une technologie mise au point par Accuphase est un amplificateur de puissance exceptionnel à cet égard car il peut produire indifféremment un panel de puissance allant de quelques dixièmes de watts à 600 watts sous 4 ohms en gardant la même qualité haute fidélité exempte de distorsion. Il utilise deux unités de puissance en configuration pontée (construction totalement équilibrée avec deux unités d’alimentation séparées pour une qualité sonore ultime mais un poids total de presque 50 kg tout de même…) formant un amplificateur totalement équilibré où la technologie originale d’Accuphase est utilisée partout, dans le but d’améliorer la qualité, en particulier à des niveaux de signal faibles grâce à un étage d’entrée push-pull différentiel Cascode particulièrement pointu.

L’autre problème traité efficacement par cet ampli est lié à l’impédance des haut-parleurs du marché qui varie considérablement, allant d’environ 2 ohms jusqu’à parfois 16 ohms. Avec un amplificateur à couplage direct, piloter une plage d’impédance aussi large avec une égale efficacité est presque impossible. Un étage de sortie conçu pour des performances optimales sous 2 ohms délivrera moins de puissance sous 8 à 16 ohms. A l’inverse, les performances d’un amplificateur optimisé pour environ 4 à 8 ohms s’en ressentent à 2 ohms et il ne sera pas capable de piloter des charges de 1 ohms.
Le P-800 intègre une conception spéciale pour faire face à une large gamme d’impédances de charge. La tension appliquée depuis ses dispositifs de sortie peut être commutée à une valeur inférieure, pour fournir la capacité de courant élevée requise par les charges à faible impédance. Il en résulte une puissance garantie vraiment étonnante de 600 watts sous 1 ohm et de 400 watts sous 2 ohms, avec une qualité sonore intacte. Pour obtenir des performances aussi étonnantes, l’étage de sortie de chaque bloc d’alimentation utilise deux ensembles de sept paires de transistors montés en push pull parallèle fonctionnant en large bande avec une dissipation de puissance maximale de 130 watts chacun. Cela équivaut à 14 paires ou 28 transistors par unité, totalisant une dissipation de puissance maximale de 3,6 kilowatts ! Ces chiffres vraiment étonnants témoignent de l’approche de conception sans limites du P-800.

L’écoute en auditorium de cet ampli alimenté par un préampli C200V de la même marque fut effectuée sur des enceintes Jean-Marie Reynaud Diapason. Le son m’avait marqué par son impressionnante ouverture, ses aigus précis, ses médiums agréables et naturels, chaleureux, exempts de distorsions, et ses graves profonds pourvus d’une dynamique vertigineuse et à toute épreuve.

Bref, cette électronique séduisante mérite encore sa réputation d’ampli très haut de gamme, en Classe AB certes, mais très stylée.

Prix d’occasion : à partir de 4000 Euros.

Technics SE-A3 MK2 & préampli SU-A4 MK2 (1983-89) :

Technics SE-A3 MK2 & SU-A4 MK2

C’est un superbe ampli qui fut la riposte de Technics dans le haut de gamme aux autres marques tendances de l’époque. L’ampli est bien conçu, avec une superbe alimentation et un étage de puissance fiable, ce qui ne fut pas le cas de son prédécesseur le SE-A3 MK1 (première version) qui, bien qu’il ait quasiment la même esthétique, fit une carrière éclair de seulement de 1980 à 1981 en raison de ses problèmes techniques. Le hic pour ce dernier résidait dans le disfonctionnement chronique de ses transistors de puissance Technics DLPT OD503A-P dont la maintenance faillit faire craquer le SAV de la marque. Le problème était qu’au début des années 1980, la production de transistors de puissance bipolaires appairés était à l’âge de pierre par rapport à aujourd’hui.

Cependant, que ceux qui possèdent cet appareil (encore fonctionnel ou bien en panne, cas le plus probable) se rassurent, trouver des transistors appairés de substitution fiables est simple (par exemple le Toshiba 2SA1987 et son complémentaire le 2SC5359) et l’appareil ainsi modifié fonctionnera très bien à condition de respecter l’ordre de brochage des nouveaux transistors qui ne correspond pas à celui des DLPT.

Mais revenons à notre ampli dans sa version fiabilisée par Technics, la version MK2. Contrairement au MK1 supposé fonctionner en classe A, ce dernier utilise un système breveté par Technics basé sur un microcontrôleur actif qui gère la polarisation du transistor de sortie en fonction de la température et de la charge du signal (Computer Drive) permettant une classe “New AA” qui est en fait une classe AB déguisée. Mais ne soyons pas mauvaise langue, le système semble faire le job sur ce modèle, contrairement aux amplis moins onéreux de la marque qui par la suite en furent aussi équipés.

Peu importe le type de voiture de sport convoitée, quelles que soient les nombreuses spécifications attrayantes de la voiture, la seule chose qui impressionne tout le monde est la vitesse de pointe de l’engin… C’est un peu pareil avec les amplificateurs de puissance stéréo haut de gamme, la spécification équivalente à la vitesse étant la puissance de sortie RMS par canal : Ici, la dernière graduation du compteur passe de 200 W pour le MK1 à 300 W pour le MK2, ce qui est nettement plus sexy…

Côté esthétique, le regard de l’auditeur est magnétisé par les deux superbes VU-mètres de puissance qui couvrent quasiment toute la façade du SE-A3MK2. Côté électronique, l’appareil ne démérite pas puisque l’étage de sortie est un Darlington à 4 étages donnant à ce monstre une capacité de gestion de puissance instantanée de 1600 watts par canal sur une charge pouvant varier de 4 à 8 Ohms grâce à l’utilisation d’un circuit de détection d’impédance (ce qui aurait été impossible sur la version MK1 avec ses transistors fragiles et parfois défaillants). Même à cette puissance incroyable, le SE-A3MK2 garde des niveaux de distorsion harmonique et d’intermodulation  incroyablement bas, qui peuvent faire honte à tout ampli équivalent moderne. Bien que le célèbre et encore plus rare Technics SE-A1 puisse pousser jusqu’à 350 watts RMS par canal en classe A, le Technics SE-A3MK2 est resté l’un des amplificateur de puissance haut de gamme les plus élégant et sophistiqué de la marque nippone jusqu’à ce jour. Utilisant comme la version MK1 une conception monobloc double avec des transformateurs de puissance séparés et deux impressionnants condensateurs de 22000 µF calibrés à 105 Volt pour chaque canal, le SE-A3MK2 est bâti comme un tank et pèse 39 kg !

Le Technics SE-A3 MK2 sonne bien et magnétise tous les regards de par l’aspect unique de ses VU-mètres. C’est sûrement le meilleur des Technics après le SE-A1. Qualitativement, on est bien au dessus des modèles qui suivirent fonctionnant aussi en “New AA” ou plus tard en “AA”. Fallait-il encore pouvoir y mettre le prix…

Prix à sa sortie en 1983 : 2900 $ et 1400 $ pour le préampli.

Prix actuel : à partir de 5000 $ pour l’ampli seul, souvent plus…

Denon POA 3000 (1979-83) & PRA-2000A :

Denon POA-3000

Le Denon POA-3000, sortit au pays du soleil levant au début des années 80 en plein âge d’or du matériel audio haute-fidélité japonais. Il fut édité en trois versions : le POA-3000 (1979-83) (180W, fonctionnant avec un push pull polarisé en Classe A Denon). Le POA-3000Z (1982-86) (250W fonctionnant en Classe AB) et le POA-3000RG (1988)(250W, fonctionnant en classe AB et équipé de sorties symétriques).

Le POA-3000 est doté du Class A “real bias circuit” inventé par Denon qui permet une excellente linéarité du signal à seulement 20 % du coût énergétique d’un circuit de classe A conventionnel. A l’intérieur de la bête, la source d’alimentation pour les étages de sortie se compose d’un énorme transformateur toroïdal de 1000VA alimentant le côté droit et gauche, et d’un filtrage de capacités électrolytique totalisant 100.000 µF, ce qui est considérable et permet une énorme réserve d’énergie. Les transistors de puissance sont refroidis par 4 radiateurs surdimensionnés. Ils sont protégés par un circuit rapide qui sert aussi de retard à l’allumage pour éviter le fameux “clock” dans les boomers à chaque activation ou extinction de l’appareil. Quand il y a une anomalie, la LED de protection intégrée sur le panneau avant clignote. (On notera que cette caractéristique haut de gamme est présentes sur tout les appareils analysés ici).

À l’écoute d’un POA-3000Z branché sur un préampli PRA-2000A et des enceintes JBL Century L100, la scène sonore est très définie, étonnante de dynamique. Le médium est chaud, les basses puissantes, les aigus ciselés. Un son enthousiasmant.

Prix d’occasion : 2000 $

Luxman Duo Beta M-05 & Préampli C-05 (1984)  :

Luxman M-05 (1984)

Le Luxman M-05, appareil relativement gros et lourd (40 kg) pour un ampli de 105 W par canal, est essentiellement constitué de deux amplificateurs mono sur un seul châssis alimentés chacun par son propre transformateur toroïdal. Les commandes sont doublées en façade. Le circuit de classe A utilise la conception exclusive Duo-Beta/S de Luxman, une approche de circuit qui présente une rétroaction négative minimale et une large bande passante. Le châssis unique est solidement construit avec un cadre en profilés d’aluminium. Les grands dissipateurs thermiques internes sont refroidis par des ventilateurs à plusieurs vitesses qui peuvent être désactivés provisoirement mais pas définitivement. Le câblage OFC, les compartiments d’isolation recouverts de cuivre, les matériaux non magnétiques et les techniques de mise à la terre en étoile sont tous revendiqués par le fabricant pour améliorer les performances. L’étage de sortie est assemblé manuellement. La façade couleur champagne et dorée sur les bords est du plus bel effet avec ses larges VU-mètres en verre biseauté.

Drivé par un préampli C-05 écouté sur des Cabasses Brigantin V, Le M-05 a des aigus exemplaires, et de très beaux médiums. Le timbre global est étendu. Le son est propre, peu fatigant pour l’auditeur. Les graves et les médiums sont très neutres et discrets. À la première écoute, les basses semblent manquer, mais l’amplificateur produit des basses profondes lorsque la musique l’exige. Assez neutre mais sans concession.

Prix d’occasion : 2000 Euros

 

Hifi Vintage – Enceintes haut de gamme des années 70 – Partie 2

Comme promis, voici donc la suite de l’article consacré aux enceintes haut de gamme des années vintage. Les six autres marques dont je vais parler maintenant sont : Bose, Kenwood, Marantz, Sansui, Tannoy et Technics. La marque Bose est réputée pour son modèle prémium (la 901) qui n’a cessé d’évoluer depuis sa création, en 1969, jusqu’à nos jours. Je n’en reparlerai pas ici puisque je l’ai déjà évoquée sur EchoRetro dans un article qui lui fut entièrement consacré que vous pourrez lire (si ce n’est déjà fait) en cliquant ici.

Kenwood KL-7090 (1973) :

Kenwood KL-7090 (1973)

Kenwood est une entreprise japonaise d’électronique grand public fondée en 1947 par Kasuga Nirou, et spécialisée dans le matériel de radiocommunication, les autoradios et la hi-fi. La firme nipone fusionna en 2008 avec JVC pour former la holding JVC KENWOOD Corporation. (NB : Il existe une société britanique homonyme présente sur le marché de l’électroménager, il s’agit de Kenwood Appliances appartenant au groupe italien Delonghi qui n’a strictement rien à voir avec la firme que j’évoque ici).

En 1973, le haut de gamme de la marque dans le domaine des enceintes acoustiques était le modèle KL-7090. C’était un modèle assez compliqué dans sa conception puisqu’il était équipé d’un superbe filtre 5 bandes pour 6 haut-parleurs! Le plus gros transducteur étant un boomer de 38 cm dédié à la restitution des basses. En remontant dans le spectre audio, le son est confié à un HP bas médium de 12 cm de diamètres couvrant de 800 hz à 2 Khz, à un HP à pavillon pour les médium de 2 Khz à 5 Khz, puis à deux HP à pavillon multicellulaire plus petits montés en parallèle de 5 à 10 Khz et enfin à un HP équipé d’une grille de diffraction pour les extrêmes aigus. La 7090 n’est pas exempte de défauts, sûrement liés à la complexité du filtre et la distorsion d’intermodulation qu’il induit. On notera deux crêtes autour de 2 et 8 khz et une baisse de sensibilité dans l’extrême grave (en dessous de 80 hz) et dans l’extrême aigu (10 khz) malgré la présence d’un transducteur bien calibré pour la reproduction de chacune de ces fréquences. L’écoute reste cependant très agréable malgré ce manque de linéarité. On notera la présence d’un réglage de tonalité à quatre crans et d’une superbe grille acoustique que les fans de HP 15′ enlèveront avantageusement pour contempler la bête…

Prix en 1973 : 599$

Prix actuel d’occasion : entre 600 et 800$

Marantz HD-88 (1975) :

Marantz HD-88 (1975)

Cette enceinte haut de gamme de Marantz fut conçue par Ed May, ancien ingénieur de JBL. Elle était équipée de 3 voies et 5 transducteurs : Un boomer de 30 cm à cône épais moulé sous pression, un HP médium lui aussi moulé sous pression “gaufré” de 12 cm avec un énorme aimant, monté dans un compartiment cloisonné pour éliminer toute coloration par le grave. Un tweeter à dôme radial à film polyester linéaire de 4 cm et deux super tweeters à dôme radial à film polyester linéaire de 3  cm. On dispose en face avant de trois potentiomètres réglables soit sur la position linéaire : “Lab Flat”, ou bien sur une position optimisée par Marantz pour l’écoute en living room dite “Room Eq”. Chaque réglage agit respectivement sur les médiums, les aigus ou les super aigus.  A noter la présence d’un plug de réglage des extrêmes graves nommé “Vari-Q Bass”. Ce plug renforce les basses de 3 db entre 50 et 100 hz et les diminue d’autant entre 20 et 50 hz.

La puissance nominale maximale est de 300 watts et la sensibilité de 90 db/1w/1m, ce qui est honnête pour l’époque. Ces grosses enceintes de Marantz ont la capacité de reproduire un son à volume élevé avec une précision cristalline. Des basses ultra-rapides, précises et claires, des médiums très détaillés et des aigus très propres sans stridence ni sur-coloration tout cela sans distorsion audible.

Une paire de SD88 se négocie entre 600 et 800 euros selon l’état. Avant de les acheter d’occasion, il faudra vérifier que les transducteurs sont bien d’origine, surtout les boomers dont les suspensions s’abîment avec le temps…

Sansui SPX-8000 (1978) :

Sansui SPX-8000 (1978)

Une enceinte peu commune : pensez donc, une 4 voies de 6 HPs ayant une sensibilité de 98 db/1w/1m, pourvue d’un boomer de 40,6 cm (16 pouces, ce n’est pas courant!), de deux médiums de 13 cm, d’un tweeter équipé d’un pavillon 15,4×5 cm montée verticalement et de deux super-tweeters de 4,5 cm, le tout dans une caisse de 44,9×66,7×28 cm dépassant à peine 20 kg! La face avant est équipée d’un sélecteur de trois ambiances sonores (Soft, Natural et Clear).

L’écoute est surprenante par la qualité de texture de chaque registre sonore. Les mauvaises langues diront qu’elle manque de basse mais c’est faux! J’ai été étonné par leur son, alors que je visitais un troc Toulousain qui en était équipé pour sonoriser son magasin, à la fin des années 90. Le son était tellement exceptionnel que j’ai demandé au patron s’il ne les vendait pas. Il m’a répondu qu’il les avait depuis 20 ans et qu’il comptait bien les garder 20 ans de plus. Je pense d’ailleurs qu’il les possède encore… Esthétiquement, elles ressemblent un peu aux Kenwood KL-7090, surtout sans les grilles acoustiques. Elle sont très rares, surtout avec une caisse en bon état pourvue des HP d’origine. Si vous avez la chance d’en dégoter, 600 $ serait un bon prix en provenance des USA, mais elle peuvent monter plus haut, parfois jusqu’à 1000 Euros depuis l’Allemagne.

Tannoy Arden (1976) :

Tannoy Arden (1976)

Sorties au milieu des années 70, les Tannoy Arden se présentent dans un boitier en bois assez imposant d’une contenance de 240 litres (99x66x37cm). Le  Haut-parleur est un 15 pouces concentrique Tannoy HPD 385A équipé d’un aimant alnico et d’une compression 2″ pour le tweeter. L’originalité du procédé réside dans le fait que la membrane du boomer prolonge la courbe d’expansion du pavillon d’aigu. Ces derniers sont réglable grâce à deux potentiomètres depuis la face avant : le HP coaxial est filtré comme une deux voies sur la fréquence de 1 khz. Le premier potar gère le “Roll Of” et affecte la courbe de réponse des aigus au delà de 5 khz en la diminuant selon trois paliers de -5 db chacun. L’autre agit sur sur l’entièreté des aigus soit en les bonifiant de 1 à 2 db soit en faisant le contraire. La neutralité peut-être gardée en sélectionnant le cran “Level”.

Le rendement de l’enceinte est plutôt sympathique pour l’époque (90db). L’écoute est très agréable puisque grâce au HP coaxial, la continuité entre grave, médium et aigu est optimisée et exempte d’important accident dans la courbe de réponse ; de même, le son émanant depuis un cercle de 38 cm, il est plus cohérant que sur une enceinte normale, sans nuire aucunement à la spatialisation. Le grave est sobre et rapide, la compression 2″ est un peu trop généreuse dans le médium, mais ce dernier sera avantageusement calmé grâce aux réglages disponibles. Les aigus sont ciselés et cohérents. Les Tannoy Arden ne nécessitent pas de super-tweeters, à moins que vous soyez équipés de super-oreilles sensibles au delà de 20 khz!

Une paire en bon état se négocie à partir de 2000 Euros, mais Tannoy commercialise des répliques neuves (les Tannoy Legacy Arden) pour 7800 Euros.

Technics SB-10000 (1978) :

Technics SB-10000 (1978)

Finissons dans la démesure avec ces monstres de 140 kg que Technics utilisait souvent lors de démos pour ses séminaires annuels. Des dimension conséquentes (1115 x 1200 x 705mm), 3 voies, 200 Watts, 95 db/1w/1m, le ton est donné d’emblé. L’esthétique elle aussi est étonnante pour l’époque et rappelle un peu ce qui se faisait en discothèque bien que les lignes de la belle soient beaucoup plus sexy. Le développement de la SB-10000 a été lancé et affiné selon un système imparable : les éprouver en live pour pouvoir comparer en direct le message original et celui qui est reproduit.

Les Haut-parleurs :

Le EAS-35HD04SA : Derrière le plus petit pavillon, en haut du château se trouve un tweeter de 3,5 cm en Bore ; son diaphragme est moulé d’une seule pièce, bords compris, pour de meilleures caractéristiques transitoires. Selon Technics, le bore est le métal qui a la meilleure vitesse de conduction du son. Bien que les propres graphiques de réponse de Technics montrent une forte baisse après 22 kHz, la réponse en fréquence s’étendrait jusqu’à 36 kHz…

Le EAS-10HM03-N : Le haut-parleur médium est un 10 cm monté lui aussi sur pavillon ; une partie de la gorge de dispersion est incluse dans la structure du conducteur pour augmenter la stabilité mécanique ; la forme de la corne permet une dispersion verticale du son sur 150°. Une prise de phase verticale divise partiellement le pavillon en deux, faisant environ un tiers de la profondeur de la courbe exponentielle.

Le EAS-46PL01S : Le boomer est un 46cm placé dans un coffret bass reflex constituée de parois de 3 cm d’épaisseur avec de multiples renforts à l’intérieur, c’est à dire un amortissement en mousse complété d’un revêtement en caoutchouc butyle, même sur le dessus des vis.

Les pavillons sont en aluminium moulé sous pression recouvert de caoutchouc butyle afin de ne pas trop interagir avec les vibrations et les résonances engendrées par les HPs. Le filtre passif peut se déconnecter pour permettre une tri-amplification, les connexions étant situées en haut de l’enceinte, juste derrière la section du pavillon médian ; il est constitué de bobines à faible perte et condensateurs haut de gamme à film métallique. Les trois haut-parleurs ont apparemment été développés spécifiquement pour le SB-10000.

Quand on les trouve, et ce n’est pas fréquent, c’est aux U.S.A. ou au Japon, et il faudra s’alléger à minima de 6500$ pour les acquérir, sans compter le port, et les frais de douane…

Hifi Vintage – Enceintes haut de gamme des années 70 – Partie 1

Dans la chaîne d’éléments qui permet la bonne restitution du son, il en est un qui est décisif tant par la nécessaire qualité de ses composants que par sa disposition opportunément appropriée à la pièce d’écoute : il s’agit bien sûr de l’enceinte acoustique. Les années 60 furent importante dans la Haute Fidélité car elles virent apparaître les plus belles réalisations techniques, notamment dans le domaine des transducteurs hors norme. Cet “âge d’or” atteignit son apogée au milieu des années 60 grâce à la firme américaine Electro-Voice qui réalisa la célèbre Patrician 800 connue pour la taille démesurée de son Haut parleur de grave (76 cm de diamètre!) (Voir l’article ci-dessous). Cependant, alors que les années 70 pointaient le bout du nez, de grandes firmes manufacturant du matériel audio à plus grande échelle popularisèrent la hifi haut de gamme en la rendant plus abordable. Nous allons évoquer ici sur plusieurs articles les plus emblématiques telles Electro-Voice, Altec, B&W, Intinity, JBL, Tannoy, Bose, marques réputées pour leurs enceintes acoustiques, mais aussi Kenwood, Marantz, Sansui et Technics qui sont plus généralistes.

Illustration tête de page : JBL Paragon.

Ci-dessous : Article sur l’EV Patrician 800, écrit par Patrick Vercher extrait de la revue L’Audiophile N°4  (Avril-Mai 1989).

Un peu de technique :

Tout d’abord, quelques explications techniques sur les haut-parleurs et leur agencement dans l’enceinte. Le haut-parleur est un transducteur électroacoustique conçu pour engendrer des ondes sonores dans un espace déterminé. Les haut-parleurs sont la plupart du temps électrodynamiques (l’élément vibrant se réduit à un conducteur enroulé pour constituer une bobine qui est maintenue dans l’entrefer d’un circuit magnétique). Ils peuvent être aussi électrostatiques (l’élément vibrant est une armature mobile de condensateur), piezoélectriques (les vibrations d’un cristal piezoélectrique, soumis à une différence de potentiel alternative correspondant aux sons à reproduire sont transmises à une membrane) ou encore à ruban (c’est un haut parleur électrodynamique dont le conducteur est un ruban plat tendu dans un champ magnétique transversal qui vibre lorsqu’il est traversé par le courant de modulation). On notera que le HP piezoélectrique est peu utilisé en hifi et que le HP à ruban n’est utilisé que dans les aigus, sur des systèmes haut de gamme.

Pour obtenir une reproduction fidèle des signaux sonores, il est possible de grouper plusieurs haut-parleurs caractérisés par des fréquences différentes. Ainsi, un ou plusieurs HP électrodynamiques de diamètres différents, qui permettent de reproduire fidèlement les sons graves et les médiums, peuvent être associés à plusieurs HP pour sons aigus. Des filtres composés de self, condensateurs et résistances sont alors prévus pour séparer les signaux électriques qui doivent parvenir aux différent HP (en filtrage passif, la pente de filtrage va de 6 db/octave à 18 db/octave). L’alignement de plusieurs haut-parleurs dans une enceinte acoustique permet d’obtenir une ensemble directif. Pour éviter le rayonnement par la partie arrière et le risque d’interférence avec le son rayonné par la face avant, les HP sont placés dans une enceinte acoustique de forme plus ou moins complexe. Certaines enceintes sont totalement fermées et un tapissage intérieur absorbant permet de supprimer l’onde arrière (enceintes closes). L’onde arrière peut aussi être partiellement utilisée par une ouverture ou un évent (enceintes bass reflex). L’évent peut se prolonger en conduit accordé interne, parfois replié en labyrinthe complexe pour diminuer l’encombrement. Il est également possible d’utiliser le volume d’air contenu dans l’enceinte pour réaliser un couplage pneumatique entre le haut-parleur et un radiateur passif placé dans le même plan frontal.

Une bonne enceinte acoustique doit avoir une courbe de réponse linéaire (50 à 20.000 hz dans un range de +/- 3 db), une bonne sensibilité (minimum 90 db/1w/1m). Elle doit être dotée d’un boomer conséquent (minimum 20 cm, 30 cm ou même 38 cm recommandé). La puissance maximale admissible doit être au minimum égale à celle de l’amplificateur qui la drive.

Altec : Je ne vais pas évoquer ici la fameuse Model 19 puisque je l’ai déjà fait par le passé, mais la Seventeen (Model 17) qui se trouvait juste en dessous dans la gamme.

Altec Model 17 (1978) :

Dotée de la dernière version de haut-parleurs équipant les moniteurs de studio Altec 604 déjà largement éprouvée, le modèle Seventeen offrait à l’auditeur une qualité d’écoute audiophile. Le système de haut-parleurs des Seventeen comprend un tandem composé d’un haut-parleur de graves de 38 cm et d’un driver équipé d’un pavillon monté de manière coaxiale ; leur combinaison est calculée pour produire des basses solide, des médiums transparents et une réponse scintillante dans les hautes fréquences, l’ensemble étant quasiment linéaire de 30 Hz à 20 kHz.

Ce système d’aigus est le résultat de recherches avancées sur les matériaux et les techniques de production qui ont permis de développer un nouvel ensemble de diaphragme léger pour les hautes fréquences audio. De plus, le format coaxial des HP offre une source de son unique pour toutes les fréquences, ce qui se traduit par le nec plus ultra en termes de mise en phase précise et d’imagerie stéréo. Le filtre passif des Seventeen comprend un passe-bas de 12 dB/octave et un passe-haut de 18 dB/octave qui ajoute à la réponse améliorée une augmentation de la capacité de puissance du système tout en limitant la distorsion à un niveau minimum dans les médiums.

Développé spécifiquement pour les applications professionnelles de monitoring de studio, le coffret des Seventeen est rigidifié et renforcé pour fonctionner comme une seule cavité inerte. Le volume interne est d’environ 250 litres et l’évent est réglé pour une qualité tonale optimale. Le boitier est finement ouvragée en chêne de qualité poncé à la main avec des huiles naturelles pures. La grille acoustique amovible est parée de tissu acoustique marron cacao, encadrée de chêne massif.

Prix d’occasion : à partir de 5000$

Bower & Wilkins 802F (1979) :

Depuis sa création en 1966, Bowers and Wilkins s’est révélé être l’un des grands fabricants d’enceintes innovants de Grande-Bretagne. La firme est rapidement devenue célèbre pour ses produits technologiquement intéressants, repoussant les frontières du design. Cette créativité s’est cristallisée en 1970 avec l’avènement de la DM70. Arborant un certain nombre d’idées radicales : nous étions en présence de deux enceintes en une, un caisson pour les basses équipé d’un woofer de 300 mm à déflecteurs infinis, le second élément étant un panneau électrostatique incurvé à 11 segments. Cela plaça la barre très haut pour ce qui devait être le vaisseau amiral le plus important de l’entreprise à ses débuts – la 801 sortie en 1978.

Lors de son lancement à la fin des années soixante-dix, la 801 remporta les éloges de la presse hi-fi mondiale, et bientôt les studios Abbey Road l’adoptèrent comme moniteur de musique classique de choix. La légende de la série B&W 800 était née, mais le problème auquel l’entreprise était alors confrontée était de savoir comment étendre la franchise en bas de gamme.

Le 802 fut la réponse ; alors que le 801 était déjà bien trop volumineuse pour de nombreuses salles d’écoute britanniques, le 802 fut rendue plus compacte et plus adapté aux salons domestiques. Pour cette raison, la société proposa un modèle qui semble de nos jours tout à fait banal, mais qui selon les normes des années soixante-dix était sérieusement radical. La 802 avait une empreinte au sol inférieure de moitié de celle de la 801. Selon les normes de l’époque, le 802 était inhabituellement étroite, bien plus que les enceintes dont la grande largeur était la norme à l’époque. Cela lança la tendance pour les enceintes colonne, encore très populaires aujourd’hui.

Prix d’occasion : à partir de 4500$

Infinity Quantum Line Souce (1977) : 

En 1969, Arnie Nudell et John Ulrick fondèrent la firme Infinity Systems dédiée aux enceintes acoustiques de prestige. Leur premier produit était un système triple constitué de deux panneaux électrostatique et d’un caisson de grave. Il ne fit pas l’unanimité mais il fit l’objet d’un article dans la célèbre revue Stereophile. Par la suite, la démarche d’Arnie Nudell (qui travaillait à une nouvelle génération de haut-parleurs) bifurqua vers un nouvel HP signé Quantum Line Source (ce surnom découle de sa formation de physicien nucléaire).

La QLS était révolutionnaire. Il s’agit d’un système à 4 voies composé d’un boomer à double bobine 12″ Watkins, d’un  bas-médium 5″, de 6 haut-parleurs haut-médium à dôme convexe, de 8 tweeters planaires magnétiques et d’un tweeter sur la face arrière. Ce nouveau modèle utilisait le woofer Watkins, équipé de bobines acoustiques doubles pour éliminer l’augmentation d’impédance typique des HP graves (lorsque l’impédance d’un haut-parleur augmente à la résonance, sa capacité à utiliser la puissance de l’amplificateur diminue). Les Watkins utilisaient un agencement de filtre intelligent qui dirigeait la puissance de l’ampli vers l’une des deux bobines d’impédance différentes en fonction de la fréquence, lissant ainsi la courbe d’impédance présentée à l’amplificateur.

Les Infinity QLS ont de belles qualités (les graves sont tendues et propres, les médiums sont ouverts et les aigues sont scintillants à souhait). Mais elles ont aussi des défauts : leur poids très élevé, une sensibilité très basse (81 db/1w/1m !!!) qui oblige à utiliser à minima un à deux amplificateurs de 200 W sous 4 Ω (en effet elles peuvent fonctionner en biamplification). De son côté, infinity recommande un ampli de 500 W/4Ω pour bien les piloter !!! Cependant, elles restent un très bel investissement qui séduit encore de nombreux audiophiles.

Prix d’occasion : à partir de 3500$

JBL Paragon (1957-1982) :

La JBL D44000 Paragon est une enceinte stéréo monobloc créé par JBL en 1957 et dont la production a cessé en 1983, date à laquelle elle a été remplacé par la gamme “Everest“. Son cycle de production était le plus long de tous les haut-parleurs JBL. À son lancement, le Paragon était l’enceinte domestique la plus chère du marché (1830$ en 1957…).

Conçu par Arnold Wolf à partir d’un concept élaboré par Richard Ranger, la Parangon mesure près de 2,7 m de long et nécessite plus d’une centaine d’heures de travail à la main effectuée par une équipe d’artisans qualifiés. Ressemblant moins à un haut-parleur conventionnel qu’à un buffet élégant, ce fut un produit phare pour l’entreprise, qui était prisé par les nantis et les célébrités. Avec une production totale estimée à environ 1000 unités, ce modèle est encore aujourd’hui très recherché par les collectionneurs.

Le colonel Richard R. Ranger, un pionnier du son stéréophonique dans l’industrie cinématographique, conceptualisa la solution au problème de la reproduction du son stéréo pour tous et pas seulement pour l’auditeur central. Il conçut un système où le son des haut-parleurs serait réfléchi contre des surfaces incurvées (panneaux de bois) à l’intérieur d’une armoire pour créer une image stéréo large et uniforme qui resterait stable dans n’importe quel endroit de la pièce d’écoute. Ranger développa ainsi le système de réfraction radiale JBL-Ranger pour la reproduction stéréophonique.

Le son de la Paragon est décrit comme possédant une incroyable dynamique à haut niveau, rythmé sans aucun signe de distorsion fatigante et avec une séparation impressionnante des instruments. Il y existe des rumeurs selon lesquelles Frank Sinatra et Dean Martin auraient acquis trois Paragon chacun – une pour chacun des canaux gauche, central et droit – avec lesquels ils écoutaient leurs enregistrements audio à partir des masters.

Prix d’occasion : à partir de 25.000$

Ci-dessous : Article sur la JBL Paragon, écrit par Patrick Vercher extrait de la revue L’Audiophile N°10 (Mai 1990).

Les Cités Utopiques (Auroville, Slab City, Bombay Beach)

Rares sont les villes qui ont été bâties en privilégiant avant tout le bien-être humain. Au moyen-âge, les architectes et les maîtres d’œuvres se préoccupaient avant tout de la sécurité en lovant les habitations à l’intérieur de remparts les protégeant des envahisseurs, telle la fameuse cité de Carcassonne qui sera restaurée bien plus tard, sous le second empire, par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc. Sous Napoléon III, Paris aussi se refit une beauté grâce à Georges Eugène Haussmann qui construisit d’élégants bâtiments équipés du confort moderne (destinés cependant aux gens aisés) bordant de longues et larges avenues qu’il perça dans les insalubres bâtisses rescapées du moyen-âge.

Au milieu du XXième siècle arrivèrent les grands ensembles marqués par un urbanisme de barres et de tours inspiré des préceptes de l’architecture moderne permettant certes un large accès au confort moderne pour les gens modestes mais mal conçus car loin des commerces, loin des transports, exempts d’insonorisation ou de vie de quartier, propices à la ghettoïsation.

Le fait de mettre le monde dans l’homme et non le contraire demande à l’architecte moderne de devenir philosophe et ce n’est pas facile, même de nos jours. Certains s’y sont essayés avec plus ou moins de succès dans les années 60 notamment en France. Jean Balladur, bâtisseurs des célèbres immeubles pyramidaux de la station balnéaire de La Grande Motte disait : «L’architecture, on le voit, joue à La Grande Motte son rôle naturel d’organisation et de protection pratique de la vie de ses habitants, tout en leur apportant le système enrichissant des formes contemporaines du béton, associées à une symbolique qui parle à leur âme autant qu’à leur cœur».

Cependant, pour Auroville, les instigateurs de la plus extrême des visions de la cité du futur ne sont pas des architectes mais des philosophes spiritualistes, certes épaulés par l’architecte Roger Anger.

Auroville (La Cité du New Age) :

Architecture avant-gardiste – Auroville – Inde

“Les villes aussi se croient l’œuvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions.” répond Marco Polo à Kublai Khan dans son dialogue imaginé par Italo Calvino. Cet extrait du roman “Les Villes Invisibles”, résume à lui seul la raison d’être d’Auroville, cette ville expérimentale située à une dizaine de kilomètres au nord de Pondichéry dans l’État du Tamil Nadu en Inde et qui a pour vocation d’être, selon les termes de sa conceptrice, «le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes de tous pays apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de tous les crédos, orientations politiques et nationalités».

Dès 1965, Roger Anger (qui fut aussi l’architecte des trois tours de l’île verte à Grenoble) conçut le plan d’Auroville qu’il nomma la « Galaxie », où quatre zones, constituées de grands bâtiments futuristes, s’enroulent autour du temple et de ses jardins en formant un cercle parfait. Auroville fut créée dans la pratique en 1968 par Mirra Alfassa (Mirra Richard), plus connue sous le nom de la Mère et compagne spirituelle du philosophe indien Sri Aurobindo, fondateur d’un ashram à Pondichery. « La Mère » est décédée en 1973. Un demi-siècle plus tard, si des bâtiments administratifs et des habitations sont sortis de terre, ils sont pour la plupart de taille modeste. Pour les voyageurs de passage à Auroville, la plupart des constructions sont presque invisibles, cachées par une végétation touffue plantée par les Aurovilliens.

La cité compte aujourd’hui 80 installations et près de 2400 personnes, venues de 49 nations et engagées dans des activités diverses comme le reboisement, l’agriculture organique, les services médicaux, le développement du village, etc… À présent, le tout est géré par la fondation Auroville. Au centre d’Auroville, se trouve la zone de la Paix, laquelle abrite le Matrimandir et ses jardins, l’amphithéâtre contenant l’Urne de l’Humanité (dans laquelle se trouve mélangée un peu de terre de 124 pays différents) et un lac censé créer une ambiance de calme et réapprovisionner la nappe phréatique. Le Matrimandir est un dôme culminant à 29 mètres recouvert de 1415 disques dorés qui abrite une salle de méditation futuriste en marbre blanc, éclairée par un globe en cristal massif de 70 cm pesant environ une tonne qui fut coulé en 1987 chez chez Chotts à Mayence et livré une fois poli à Auroville par l’entreprise allemande Zeiss en 1991 pour une somme de 230.000 Marks.

Quatre zones s’ordonnent autour de cette zone centrale :

La zone culturelle située à l’est de la zone centrale qui est vouée aux activités éducatives, artistiques, culturelles et sportives. Les activités culturelles incluent des programmes de théâtre, de musique de danse. L’institut international Sri Aurobindo de recherche éducative coordonne le système entier de l’éducation à Auroville. En plus d’héberger un festival de cinéma qui se déroule deux fois par an, les Auroviliens et les visiteurs ont, durant toute l’année, un accès gratuit à une multitude d’activités et de représentations culturelles : cinéma, théâtre, musique, danse, chorale, lectures de poésie, expositions, présentations PowerPoint, conférences, etc… L’énergie créative qui caractérise Auroville est aussi fondatrice du climat encourageant diverses formes d’expression esthétique, notamment les festivals artistiques d’Auroville et les expositions qui sont aussi largement accueillies en Inde.

La zone internationale située à l’ouest de la zone de la Paix, destinée à accueillir des pavillons nationaux et culturels, regroupés par continents. Elle ressemble à un campus cosmopolite, un lieu de rencontre pour des compatriotes.

La zone industrielle située au nord de la zone de la Paix, qui sert à abriter les industries vertes, les centres de formation, l’artisanat, et les services administratifs de la ville. Cette section gère des unités de production pour Auroville, qui aspire à être une ville financièrement indépendante. Elle sponsorise plusieurs industries, telles des unités de traitement alimentaire et des entreprises d’embouteillage, de boulangerie, de fabrication de saumure, de vêtements, d’assemblage de composants électroniques, etc…

La zone résidentielle au sud de la zone de la Paix qui est réservée à l’habitat sur 45 % de sa superficie et à la verdure sur 55 %. Elle inclut des structures qui vont des huttes à des maisons individuelles et des appartements. Tous les biens immobiliers (terrains, maisons, puits) sont la propriété de la fondation Auroville, la propriété privée étant interdite. Pour devenir l’occupant d’une maison existante, il faut faire don à la fondation du montant équivalent à la valeur de la maison et il en est de même pour bâtir une maison.

Autour de ces quatre zones périphériques s’étend une ceinture verte de 1,25 km de rayon, regroupant fermes biologiques, laiteries, vergers, forêt, habitat protégé pour la faune. Elle est censée fournir bois de construction, nourriture, remèdes, et servir de lieu de détente et de poumon vert.

La Cuisine Solaire est la plus importante cuisine collective de la communauté d’Auroville. Elle a été terminée en décembre 1997. Depuis lors, elle sert les déjeuners dans un grand réfectoire et elle envoie également des repas à différents endroits, écoles et particuliers. Elle tire son nom du grand concentrateur solaire sur le toit, qui fournit une partie de la vapeur de cuisson chaque jour ensoleillé de l’année. L’autre partie de la vapeur nécessaire est fournie par une chaudière au diesel.

Les résidents d’Auroville ont créé quelques infrastructures de base (routes, eau, électricité, télécommunications, y compris un réseau de communication électronique). Plusieurs endroits offrent le Wifi gratuit à Auroville, de même qu’une dizaine maisons d’hôtes.

Certains ont perdus leurs illusions sur l’utopie originelle d’Auroville. La communauté devait fonctionner sans argent, mais elle a dû se résoudre à en introduire pour des raisons pratiques, les habitants s’autofinançant pour la plupart par un métier (l’hébergement des invités, la fabrication d’encens, de produits bio, bougies, poteries, bijoux, vêtements, que l’on peut acheter dans les boutiques d’Auroville et de Pondichéry, mais aussi au-delà des frontières de l’Inde. Un tiers des bénéfices revient à la communauté), une rente ou une pension. L’intégration des populations tamoules présentes sur le site n’est pas non plus un modèle de réussite sociale sachant qu’ils sont payés au tarif de base local (c’est à dire 80€ par mois environ…). Cependant la critique est aisée mais l’art difficile et l’on ne peut nier qu’Auroville est le seul projet d’urbanisme alternatif cohérent qui ait vu le jour et soit resté viable depuis la fin des années 60.

Voir sur YouTube : Auroville, “la ville dont la Terre a besoin” par Guillaume Estivie

Slab City (La Cité du squat) :

Installation de Salvation Mountain – Slab City – Californie

Si Auroville est une vraie cité conçue par un architecte urbaniste investi dans une démarche philosophique, Slab city est plutôt un campement permanent situé en plein désert près de Salton Sea, dans le sud-est de la Californie, servant de port d’attache à des marginaux qui cherchent un dernier espace de liberté et de gratuité dans un pays ultra-libéral ou bien, le temps de la saison d’hiver, à des snowbirds (boomers en mal d’aventure désertant le froid du nord au volant de leur camping-car de luxe).

L’histoire du lieu : Avant l’entrée officielle des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, le Corps des Marines des États-Unis prit la décision d’implanter un terrain d’entraînement pour les unités d’artillerie antiaérienne dans une zone accessible aux avions décollant des porte-avions près de San Diego. Pour créer la base d’entraînement, 255 ha furent adjugés à l’armée. Le gouvernement nomma la base en hommage au brigadier général du Corps des Marines Robert Henry Dunlap. Une fois la construction du camp Dunlap terminée, il fut mis en service le 15 octobre 1942. Le camp disposait de bâtiments, d’eau, de routes et de collectes d’eaux usées pleinement fonctionnels. La base a été utilisée pendant trois ans pendant la guerre. En 1949, les opérations militaires au Camp Dunlap furent considérablement réduites, mais une équipe limitée resta sur place jusqu’à ce que la base soit démantelée. En 1956, la tâche de démolition s’acheva, mais les dalles bétonnées furent laissées intactes.

La zone qui est maintenant connue sous le nom de Slab City (Slab signifie dalle en Anglais) était jadis le lieu d’entraînement d’artillerie pour le camp. Il a d’abord été squatté par quelques vétérans qui y avaient travaillé, suivis plus tard par des marginaux vivant de l’aide sociale et enfin par des camping-caristes à la recherche d’emplacements de camping gratuits à l’extérieur de Palm Springs. Les résidents actuels se désignent eux-mêmes comme des Slabbies tandis que les touristes sont appelés Normies.

La popularité de Slab City a augmenté après la publication d’un article dans Trailer Life et RV Magazine vers 1984 et par la suite en 2007, par Sean Penn qui dans un passage du film “Into The Wild”, fait évoluer son héros dans la cité notamment lors d’une visite de Salvation Montain. Le site ne comporte aucune règle et il n’y a pas de taxe pour le parking. Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau courante, pas de toilettes et autres services publics de la sorte. De nombreux campeurs utilisent des centrales ou des panneaux solaires pour produire de l’électricité. L’alimentation peut être trouvée dans la petite ville proche de Niland à cinq kilomètres au Sud-Ouest et où les enfants des résidents vont à l’école.

Réalisations artistiques et scéniques :

Salvation Mountain : Située directement à l’Est de l’autoroute 111, l’entrée de Slab City est facilement reconnaissable grâce à l’installation artistique de Salvation Mountain, une petite colline d’une quinzaine de mètres couverte de peintures et de versets de la Bible, un projet du résident Leonard Knight, décédé le 10 février 2014 à l’âge de 82 ans. Une nécrologie de Knight a déclaré qu’il “a passé près de 30 ans à construire la montagne colorée. Construite en adobe (brique mêlée de paille) et en béton couverts de peinture au latex, Knight travaillait sur la montagne toute la journée, tous les jours. Il dormait au pied de la montagne à l’arrière d’un camionnette, sans électricité ni eau courante “.  En 2002, la Montagne du Salut a été nommée trésor national d’art par le Congrès.

East Jesus : est une installation artistique expérimentale, durable et habitable située dans Slab City. Il n’y a pas de connotation religieuse dans le nom de Est Jésus (c’est plutôt un langage familier pour une œuvre au milieu de nulle part et en apparence, totalement futile). L’installation hors réseau fonctionne sans services publics municipaux. Début 2007, Charlie Russell quitta son emploi dans l’industrie de la technologie, emballa toutes ses affaires dans un conteneur qu’il expédia à Slab City, dans un coin jonché de déchets, où il a commença à entourer ses deux voitures de sculptures. Russell, souvent appelé Container Charlie, a nommé ce site East Jesus. Il est décédé en mai 2011 et son œuvre est protégée par l’association de Frank Redford qui gère les expos des artistes itinérant qui s’y posent ainsi que les visites gratuites. Au fil des années, East Jesus est devenu un lieu unique où les artistes peuvent s’exprimer de manières non conventionnelles, voire radicales. C’est un endroit pour vivre et travailler loin des traditionnelles galeries, des musées et du monde de l’art contemporain institutionnalisé. L’art ici ne nécessite pas l’approbation d’un critique, et n’est pas non plus fait avec l’intention d’être vendu.

The Range : est une discothèque en plein air avec scène, lumières, amplificateurs et haut-parleurs, équipée de canapés en lambeaux et de vieilles chaises pour s’asseoir. Tous les samedis soirs, vers le crépuscule, les habitants et les visiteurs se rencontrent pour un spectacle mettant en vedette des musiciens résidents permanents et toute autre personne souhaitant monter sur scène et se produire. Le lieu est géré par William Ammon, ancien résident, connu sous le nom de “Builder Bill”.

Un article du magazine Smithsonian en octobre 2018 qualifiait la communauté de “paradis des squatteurs” que les habitants considèrent comme “l’un des derniers endroits libres d’Amérique”. L’article disait à propos de la population: «Il y a clairement des gens là-bas qui ne veulent pas être trouvés, ils veulent disparaitre du système, et le désert offre ce genre d’opportunité.»

Voir sur YouTube : Les campeurs sauvages de slab city par Corentin Mullender et Into the Wild-Salvation Mountain Scene par gse3

Bombay Beach (La Cité post-apocalyptique) :

Installation d’avion – Bombay Beach – Californie

Dans les années 1940 et 1950, avant d’être détruite par la mer de Salton, Bombay Beach était censée être un terrain de jeu pour les riches vacanciers. Elle fut conçue pour être la version californienne de la Côte d’Azur, et des célébrités telles que Frank Sinatra, les Beach Boys et Bing Crosby l’aurait fréquenté pour y pratiquer la navigation de plaisance, le ski nautique et la pêche. La région attirait un demi-million de touristes annuellement, rivalisant avec le parc national de Yosemite.

Mais une série d’inondations causées par les tempêtes tropicales des années 1970 engendra un ruissellement d’eau chargée des pesticides traitant les cultures environnantes qui s’accumulèrent dans ce lac fermé soumis à une forte évaporation pendant l’été. La pollution et l’augmentation de salinité entraînèrent d’importantes morts d’oiseaux et de poissons. De nombreux résidents autour de la mer de Salton, y compris ceux de Bombay Beach, déménagèrent en raison de l’odeur du poisson en décomposition et de la peur des problèmes de santé liés à la pollution et des inondations répétées.

Ceux qui restèrent étaient soit trop pauvres pour déménager, soit trop attachés à l’histoire de la région pour partir. En septembre 2019, un rapport de l’Institut du Pacifique signalait que dix ans plus tôt, “il y avait quelque 100 millions de poissons dans la mer. Aujourd’hui, plus de 97 pour cent de ces poissons ont disparu.”

La zone ne s’est jamais remise. Les quelques résidents restants vivent aujourd’hui dans des caravanes, où ils se cachent du soleil brûlant. La plupart des quelques habitants utilisent des voiturettes de golf pour se déplacer, car la station-service la plus proche se trouve à 32 km à Niland. Il n’y a que deux magasins dans la ville, dont l’un est un dépanneur, et l’hôpital le plus proche est à plus de 45 minutes à Brawley. Le bar et restaurant Ski Inn est le seul établissement de restauration et de boisson de la ville. Le “Bombay Beach Drive-In” est une installation artistique composée de vieilles voitures abandonnées dans un cinéma drive-in. Un visiteur en 2019 a écrit qu’il y avait de nombreuses «maisons et roulottes depuis longtemps abandonnées» et que de nombreux bâtiments étaient «des façades sans fenêtre recouvertes de graffitis, entourées de meubles cassés et de gravats».

Le statut de «ville fantôme habitée» de Bombay Beach a attiré de nombreux photographes, cinéastes, explorateurs urbains et touristes, au point que les habitants ont tendance à demander aux visiteurs s’ils sont des cinéastes qui sont là pour tourner un documentaire.  La communauté organise la Biennale de Bombay Beach chaque printemps depuis 2016, invitant “des artistes, des universitaires, des écrivains et des cinéastes à créer des œuvres, à donner des conférences et à mettre en scène des événements”.

Voir sur YouTube : Bombay Beach CA Rediscovered par DesertUSA

Les Écodomes SuperAdobe : l’écocité du futur?

Bonita Domes – Josua Tree – Californie

Inventé par l’architecte iranien Nader Khalili, l’écodome en Superadobe est une construction durable rapide à édifier pour un prix modique, adaptable à tous pays quelques soit les climats. On peut l’auto-construire en petit groupe de 6 à 10 personnes après avoir suivi une rapide formation pratique ; la construction d’une structure de 100 m2 prend 2 à 3 mois, puis à cela il faut ajouter une à deux semaines de délai pour la première couche d’enduit et le second œuvre (plomberie, électricité, pose des portes et fenêtres,…), et encore une à deux semaines pour les 2ème et 3ème couches d’enduit à plusieurs mois d’intervalle. L’écodome est relativement isotherme, il résiste aux ouragans, aux séismes, aux inondations et aux incendies et il s’inscrit dans une démarche respectueuse de l’environnement.

La Technique : Les écodomes sont constitués de sacs empilés remplis de gravats et de terre locale. Les sacs sont maintenus par des fils de fer barbelés. La terre sèche avec le temps. Il suffit de recouvrir le tout pour protéger les sacs des rayons ultra-violets. Un écodome ne coûte que 10.000 dollars. La technique Superadobe de construction rapide pour les maisons (et des bâtiments publics) est un formidable espoir pour les zones dévastées mais il peut être utilisé également comme résidence familiale.

Le concepteur de l’écodome superadobe : Nader Khalili, reçoit sa formation en philosophie et en architecture en Iran, en Turquie et aux États-Unis. En 1970, il obtient une licence de l’État de Californie et exerce la profession d’architecte aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Khalili s’est fait connaître par l’application du système Geltaftan Earth-and-Fire, connu sous le nom de “Ceramic Houses”, et par la technique de construction Earthbag appelée “SuperAdobe”. Ses conceptions s’inspirent fortement de celles des maisons arides traditionnelles en Iran, son pays natal. En 1984, il développe son système Super Adobe, en réponse à un appel de la NASA pour la conception d’établissements humains sur la Lune et sur Mars. Le projet garde un caractère totalement théorique jusqu’à la Guerre Iran-Irak, au cours de laquelle des réfugiés sont envoyés en Iran. C’est alors que Khalili s’associe au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et met ses recherches au service des abris d’urgence.

En 1991, il fonde à Hesperia le California Institute of Earth Art and Architecture (Cal-Earth) où il enseigne sa technique de construction Super Adobe. Une promenade autour du campus est une promenade à travers l’évolution historique de la technologie de construction SuperAdobe. Les conceptions de bâtiments vont d’un petit abri d’urgence pour une personne qui peut être construit en une journée afin de créer un village d’hébergement temporaire, à une maison tout confort équipée de 3 chambres et d’un garage pour 2 voitures, tous construits selon les mêmes principes. Alors que certaines des structures sur place sont entièrement finies, d’autres font partie du processus de recherche et développement en cours. Les successeurs de Nader Khalili (décédé en 2008 à l’âge de 72 ans) étudient la performance de la structure en réponse aux conditions climatiques et aux événements sismiques. Ces structures sont des ébauches, mais sont extrêmement informatives. La leçon première que les étudiants apprennent à Hespéria est que la force de la géométrie de la voûte reste inégalée à ce jour!

On peut se demander pourquoi une structure possédant de telles qualités ne s’est pas plus répandue, surtout à notre époque où le développement durable s’érige en nouvelle religion. D’ailleurs les gens intéressés par l’écodome dans le but d’en faire leur résidence principale se rendent vite compte qu’il n’est pas très populaire auprès des services d’urbanisme de notre pays en raison des normes d’isolation et d’esthétique en vigueur (pour respecter la norme RT 2012, et la nouvelle RE 2020, il faut ajouter une fibre isolante dans les enduits ; certains PLU exigent des des toits inclinés à 45 degrés, etc…). Mais en y réfléchissant bien, on subodore une autre explication à ce manque d’intérêt : Une maison individuelle en superadobe peut être construite à moindre coût (45.000 euros environ terrain compris…). On peut penser qu’un tel projet, s’il se généralisait au bénéfice des plus modestes, ne serait pas du goût de l’état qui rentrerait beaucoup moins de taxes. Pensons aussi aux entreprises du bâtiments qui se retrouveraient amputées d’une grosse partie de leurs revenus. Avec la forte diminution du montant du crédit immobilier et de sa durée de remboursement (pour ceux qui ne s’autofinanceraient pas), les banquiers pleureraient sur leurs pertes. Bref, ces belles maisons économiques en superadobe ont un défaut majeur pour notre système économique ultralibéral : elles permettent de faire de belles économies à ceux qui les construisent, mais peu de bénéfices à ceux qui voudraient les vendre et en faire un business…

François

Voir sur YouTube :  Sustainable Architecture: Hesperia’s Superadobes par KCETSoCalConnected

Photo entête d’article : Le Matrimandir – Auroville – Inde

Sono Vintage – La sono des night-clubs (1980-99)

En cette période qui n’est pas très rose pour les discothèques, les disco-mobiles et l’événementiel en général, j’ai pensé qu’il serait sympa de rendre un hommage rétro à ces acteurs importants de nos soirées juvéniles en évoquant l’équipement qui nous permettait de nous trémousser tous les weekend au rythme de la musique pop, funk, disco et plus tard techno selon ses goûts. À cette époque heureuse ou l’on pouvait encore siroter quelques cocktails au milieu de la piste de danse tout en fumant une cigarette, le DJ passait la soirée à “pousser des disques” enchaînés au bon tempo tout en déclamant au micro des phrases enthousiastes à la Yannick Chevalier visant à chauffer l’ambiance jusqu’au bout de la nuit. Puisque je me suis déjà longuement attardé sur les tables de mixages (Freevox DJ Club, Tables de mixage des années 80 Partie 1, Partie 2), les tourne-disques et les magnétophones de cette époque, je vais évoquer dans cet article la partie sonorisation.

La sonorisation des discothèques & des disco-mobiles :

Des années 70 aux années 80, les discothèques étaient équipées de système où l’amplification et les enceintes acoustiques se trouvaient séparées (enceintes passives). L’amplification était simple, double ou triple, selon l’importance du système audio et le volume de l’établissement. La mono-amplification faisait intervenir un seul amplificateur de classe AB ou B dont la puissance variait entre 200 et 400 watts, laquelle était délivrée dans une paire d’enceintes à haut rendement (100 db/1w/1m) équipées d’un filtrage passif deux ou trois voies filtrées à 12 db/octave. La multi-amplification, plus sophistiquée, comprenait un filtre électronique dit actif, qui découpait la bande passante de la musique en deux ou trois plages de fréquences (grave, médiums, aigus) filtrées chacune selon une pente allant de 18 à 24 db/octave. Cela évitait de s’encombrer de selfs, condensateurs et résistances devenues énormes donc coûteuses à ces puissances élevées et surtout d’avoir une dynamique bien meilleure. Deux ou trois amplis stéréo allant de 200 watts en classe AB pour les médiums aigus à 700 watts ou même 1000 watts en classe H pour les graves, alimentaient chaque pavillon de l’enceinte : les caisson à évents bass reflex pour les HP graves et bas médiums et des pavillons exponentiels ou des trompes pour les compressions médium aigus et aigus. Leur rendement évoluait en général entre 97 et 102 db/1w/1m.

Les grosses discothèques des années 80 étaient généralement équipées d’un système à tri-amplification, souvent des enceintes à pavillons JBL, Altec, Metler Audio, HH Electronic ou ALS Pro structurées selon un empilement en “château” dépassant souvent les 2 mètres de hauteur et alimentés par une baie d’ampli Crown Microtech MT 1000, HH Electronic Mos Fet V800, Dynacord PAA 1200, Amix H 2700S ou EMB CS 2 à travers un filtre actif SCV ou Dynacord. Les clubs les plus modestes sonorisaient avec des JBL (les célèbres Cabaret 4612, les MI 632 et à la fin des années 80 les M350), des Bose 802 ou des Dynacord E153 S Alimentées par des amplis Urei 6690, Bose 1802, Ramsa WP 9201 ou Dynacord PAA 800 .

Châteaux Mettler Audio

À partir des années 90 sont apparues les enceintes professionnelles amplifiées (dites actives), alimentées directement par le signal stéréo symétrique depuis la sortie de la table de mixage. Pour les gros systèmes avec renfort de basse, l’amplificateur se trouvait niché dans le caisson de grave, généralement pourvu d’un HP de 38 ou 45 cm alimenté à travers un filtre passif. Une double prise symétrique alimentait alors les deux satellites droite et gauches pourvus d’une compression pour les aigus et d’un grave médium de 30 cm.

Dans les années 90, rien ne change pour les gros clubs qui fonctionnent pour la plupart avec des enceintes passives à pavillons, si ce n’est la miniaturisation des amplis grâce à la classe D et ses dérivées qui diminue leur poids et augmente leur rendement (Crown K2). Par contre les boîtes de taille plus modeste et les disco-mobiles professionnelles optent peu à peu pour des enceintes compactes amplifiées bien plus pratiques (qui d’ailleurs se sont de nos jours généralisés un peu partout à l’exception près que les amplis embarqués fonctionnent en classe D, ce qui augmente leur compacité et diminue le poids de façon drastique). On retiendra les fleurons que furent les JBL EON 15, Electro-Voice SX300A, DAS DS 115A et Yorkville NX 750P.

Deux paires d’enceintes passives compactes qui ont marqué cette époque :

Bose 802 (1980-Toujours en vente) :

Enceinte Bose 802 Série II

On ne peut pas parler de sonorisation sans évoquer la mythique Bose 802 qui est au monde professionnel de l’animation ce qu’est la Bose 901 à la haute fidélité. Elle était présente partout dans le domaine de l’animation des années 80 et c’est le cas encore de nos jours avec la version IV qui a toujours autant de succès. L’enceinte est légère (14 kg), solide, compacte et puissante (240 W avec des pointes à 480 W). L’angle de diffusion est important grâce à la conception de montage des huit haut-parleurs large bande de 11,34cm, montés symétriquement en paires verticales sur une face avant à facettes “Articulated Array”. La Bose 802 fut une des première à disposer d’un dispositif de montage polemount adapté aux trépieds standardisés de sono. De plus, elle était équipée d’un couvercle pour le transport.

Les haut-parleurs sont caractérisés par une faible impédance et une bonne endurance. Leur équipage mobile (membrane, enroulement et spider) est conçu pour durer dans des environnements agressifs.

La sensibilité de l’enceinte est assez basse pour de la sono (91 db), mais cela ne nuit pas au niveau sonore maximum qui s’élève tout de même à 123 dB! L’esthétique est particulièrement réussie et a été mainte fois copiée sans cependant lui équivaloir. La 802, c’est aussi un son caractéristique (chaud et doux dans les médiums qui sont mis en avant sans agressivité) qui peut devenir spectaculaire lorsqu’elle est équipée du processeur dédié réglé correctement et d’un caisson de basse adapté (502). Sa notoriété est aussi due au fait qu’elle n’est pas agressive dans les aigus et qu’elle accroche très peu dans les médiums aigus (pas de compression, pas de larsen). Il faut noter que les nouvelles Bose sont équipées de HP en Kevlar (matière quasiment indestructible utilisée pour les gilets pare-balle…).

Prix des Bose 802 en 1984 : 8330 F

Prix d’occasion : entre 400 et 600 € selon l’état et la série.

JBL M330 & M350 (1991-98)

JBL M Séries

Les JBL série M furent sûrement les enceintes de sonorisation professionnelle les plus appréciés des années 90. On les voyait partout que ce soit dans les discothèques, les bars de nuit branchés ou les disco-mobiles bien équipées. Elles avaient tout pour elles : une relative compacité, un poids certes élevé mais encore compatible avec la transportabilité, une restitution sonore proche de la haute fidélité (Bande Passante : 45 Hz – 18 kHz) grâce à une compression haut de gamme 2216H (présente aussi sur les Control 12 SR) et un boomer performant qui pouvait être au choix un 222-8 (30cm) ou un 252-8 (38cm). Le rendement de l’enceinte était compatible avec sa fonction (99 db) puisque avec un ampli de 350 watts, elle pouvait atteindre un niveau sonore théorique de 124 db…

Esthétiquement, l’enceinte était superbe avec sa grille intégrale nervurée protégeant les haut-parleurs et son caisson profilé au design trapézoïdal novateur. Elle était aussi bien pratique avec son embase normalisée qui permettait de la jucher sur un trépied en sonorisation mobile. Une version encore plus haut de gamme dédiée aux auditoriums existait cette fois en version trois voies, équipée d’un M202A dans les aigus et d’un médium M209-8 de 20 cm, le grave de 38 cm restant inchangé. La BP s’améliorait alors à 35 Hz-22 kHz, se qui est exceptionnel pour de la sonorisation.

Prix des enceintes en 1991 : 9000 F pour les M330 et 12.000F pour les M350.

Prix d’occasion : entre 400 et 600 € selon l’état.

Amplificateurs sono des années 80 :

HH Electronic V800 MOS-FET

Dans les années 80, les discothèques étaient de grandes dispensatrices de watts et la limite sonore actuelle imposée des 102 db étaient allègrement franchies (dans le genre 115 db avec des pointes à 120…). Autant vous dire que le matos devait assurer et de nombreux patrons de boîtes optaient pour la sécurité du matériel en cas de surcharge. Les HH Electronic Mos Fet, Amcron et Dynacord avaient la réputation d’être increvables, en plus de dispenser un son d’une qualité irréprochable. Les amplis de cette époque pesaient très lourd (la partie alimentation générant déjà la moitié du poids), et possédaient une ventilation pulsée des plus efficace. Les Dynacord PAA800 et PAA1200 étaient particulièrement appréciés car ils possédaient une compression déconnectable incorporée ne travaillant qu’en cas de surmodulation non linéaire, dont l’intervention était inaudible et sans influence néfaste sur la dynamique. Ainsi les enceintes acoustiques étaient systématiquement protégées de toute surcharge permanente qui aurait entraîné une destruction des compressions d’aigu. Je connais un patron dont le night club est équipé d’amplis Dynacord PAA 800 acquis en 1985. Ils fonctionnent toujours et ne sont jamais tombé en panne en 40 ans d’exploitation!

Prix des modèles neufs en 1985 : Crown MT 1000 : 17.000 F ; Dynacord PAA880 : 14.860 F ; Dynacord PAA1200 : 22.800 F ; Bose 1802 : 17.200 F ; Amix H2700S : 24.600 F ; Ramsa WP9201 : 12.400 F.

Prix d’occasion : entre 200 et 600 € selon l’état.

Enceintes amplifiées des années 90 :

JBL Eon 15 (1995-2008) :

À sa sortie, au milieu des années 90, la JBL Eon Power 15 fit sensation avec ses formes inhabituelles permises par le moulage de la caisse en PVC. Ce modèle était résolument Hight Tech avec sa face avant en aluminium moulé intégrant les transducteurs, pas seulement le pavillon de la compression (modèle 2118H) comme il est d’usage, mais l’ensemble du 38 cm. Ce dernier utilise la structure Differential Drive, mise au point par JBL, avec un aimant Néodyme ce qui explique en partie le faible poids de l’enceinte. L’enceinte est équipée de poignées de transport et d’une embase pour pied intégrées dans sa structure.

L’écoute montre un excellent équilibre global avec un grave soutenu qui accepte bien les corrections. Un petit creux dans les médiums permet une petite douceur garante d’une absence d’agressivité dans cette gamme de fréquence difficile à reproduire. Puissance 130 W dans les graves et 50 W dans les aigus. BP : 50-20.000 Hz. Poids : 18 Kg.

Prix du modèle neuf en 1998 : 6500 F

Prix d’occasion : environ 400 € en bon état.

Electro-Voice SX300A : 1995-2008 : 

EV SX300

D’une taille réduite et d’un poids raisonnable (22,8 kg), La SX300 présente une forme trapézoïdale classique et des proportions agréables. La caisse en PVC  comprend de nombreux points de fixation et une embase pour pied. De conception générale assez classique avec un 30 cm pour le bas du spectre et, pour l’aigu, une compression 1 pouce (modèle DH 2010A) associée à un pavillon à directivité constante moulé directement dans la face avant.  L’ouverture de 65°, aussi bien en horizontal qu’en vertical est une caractéristique rare dans sa catégorie qui lui permet d’être “arrayable”, c’est à dire utilisable en plusieurs exemplaires dans un cluster.

Les résultats de mesure sont excellents avec cependant un certain décalage entre le grave et l’aigu qui est mis en avant. En effet, la compression est très généreuse dans le haut du spectre aigu (elle dépasse allègrement les 20 Khz) ce qui est rare en sono. L’écoute offre des voix bien dégraissées avec une excellente définition. Reste que les modulations difficiles doivent être surveillées sous peine de devenir aisément agressives. Auquel cas une correction de tonalité sera la bien venue. La SX 300 est un peu limitée dans le bas du spectre à cause de son boomer de 30 cm, mais le processeur XP200A peut en optimiser le fonctionnement. Un caisson de grave peut aussi être ajouté.

Prix du modèle neuf en 1998 : 9045 F

Prix d’occasion : environ 400 € en bon état.

Crédit photo tête de page : Catalogue JBL Pro – JBL M Series

François

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