Album – Serge Gainsbourg – Histoire de Melody Nelson (1971)

Serge Gainsbourg était sûrement le plus fameux des auteurs-compositeurs-interprètes français, en raison de son maniement exceptionnel des mots et de la musique. Il a abordé avec succès tous les genres musicaux, et composé des chansons innombrables pour différents artistes. Déjà dans les années 70, son humour redoutable et subtil ainsi que son intelligence le plaçait au-dessus du panier de crabe de la chanson française, à tel point qu’il devint le maître à penser des meilleurs groupes de rock français de l’époque, parmi lesquels Starshooter et Bijou (qu’il retrouvera sur scène avec beaucoup d’émotion en 1979).

Pour Serge Gainsbourg (1928-1991), les années 1970 sont marquées par l’écriture et la composition de quatre albums importants : Histoire de Melody Nelson en 1971, Vu de l’extérieur (et son tube “Je suis venu te dire que je m’en vais”) en 1973, Rock around the bunker en 1975, et L’Homme à tête de chou avec ses sulfureuses Variations sur Marilou en 1976. Si depuis quelques années, Histoire de Melody Nelson est considéré comme l’un des meilleurs albums pop de tous les temps (même aux Etats-Unis!), ce ne fut pas toujours le cas puisque lorsqu’ils réalisent ce disque en 1971, Gainsbourg et un jeune compositeur brillant nommé Jean-Claude Vannier ne s’imposent aucune contrainte pratique et l’album fait un flop : il ne se vendra à sa sortie qu’à 20.000 exemplaires. Comme le raconte Vanier dans une interview : “Un an après, on est allés à la Sacem pour voir nos droits d’auteur. Le disque était un four. Une somme ridicule. De quoi acheter des cigarettes. Quand Serge a vu le chiffre, il a cru que c’était une erreur. Il n’a plus jamais fait «Melody Nelson» sur scène”. Mais le duo n’a pas évalué l’influence énorme que l’album aurait sur les musiciens à l’avenir. Histoire de Melody Nelson est un disque qui a inspiré un grand nombre d’artistes modernes, Beck, Portishead, entre autres.

L’histoire :

Une Rolls Silver Ghost 1910 traverse une ville anonyme. Au volant, un homme écoute la radio d’une oreille distraite tout en admirant le Spirit of Ecstasy qui orne le radiateur. Mais il est brusquement tiré de sa rêverie par un choc violent : il vient de heurter une jeune fille qui circulait à bicyclette. Elle est rousse et s’appelle Melody Nelson. La musique est un mélange de Pop anglaise (guitare, basse, batterie) et d’orchestre symphonique ; cela peut paraitre de prime abord bizarre mais la cohabitation est parfaite. Après une brève passion avec le narrateur, Melody trouve la mort dans un accident d’avion. Elle repose quelque-part au fond de l’océan, l’histoire se termine aussi brutalement qu’elle avait commencé et l’homme reste seul à ressasser ses souvenirs.

La B.D. “Ou es-tu Melody?”

B.D. “Ou es-tu Melody?” par Iusse

La B.D. mettant en image l’Histoire de Melody Nelson avec un graphisme superbe signée Iusse, reprenant mot pour mot les paroles de Gainsbourg est éditée par les Éditions Vents d’Ouest en 1987. En voici la préface écrite par Serge Gainsbourg :

“Mes premières évasions de ce monde cruel dans lequel je fus propulsé sans mon avis contraire en tant qu’irréaliste irresponsable et idéaliste forcené, afin de ne point heurter aux murs de briques âcres, ocres et ogre de la réalité brutale et hyperréaliste se passèrent, si je m’en réfère à une mémoire chancelante et livide du présent immédiat, cependant fulgurante de mes premières incandescente adolescence essais, excès et accès désaxés vers l’infini sépia et azuré de l’imaginatif bien avant Grimm, Perrault, Andersen et Hoffmann, puis quelques temps plus tard aux Illuminations et à la saison en enfer, par le biais de la bédé, Tarzan, Luc Bradefer, Guy l’éclair, Mandrake, Jim la Jungle, Pim Pam et Poum, initiations sommaires mais subjectives, j’entends par là indispensables à mes approches picturales et oserai-je dire également musicales, sans oublier dans ce parcours du combattant, l’étude d’une collection de timbres à quelques sous dont j’étudiais d’un œil grec, de l’autre glauque le design, la qualité de la gravure, des cadrages, et des coloris, constat fascinant liseré cernés de dentelle fragile d’un empire colonial à jamais révolu, premières bédés lues à huis clos, mon papa n’appréciant que moyennement mes premières lectures, les jugeant par trop sommaires, huis clos m’amenant téléphoniquement en P.C.V. bien sûr, Gainsbarre étant un fauchman qui s’ignore, au propos de Iusse dont la vision, la version, et la subversion graphiques, ne me faites pas dire ce que je ne veux pas, de mes lyrics, de par la douceur et la fureur pastellisée de ses empreintes parallèles aux miennes de par l’imprévisibilité de son scalpel, j’entends là position de sa caméra manuelle, ses focales, arrêts sur image inclus, Iusse, esthétiquement j’achète”.

Le Vidéo Clip :

Une vidéo mettant en image l’album complet, intitulée Melody a été réalisée en 1971 par Jean-Christophe Averty. Entre long clip et film musical, on y voit Serge Gainsbourg et Jane Birkin jouant les scènes de l’album, évoluant soit sur des décors de studio, soit sur des peintures (notamment du peintre surréaliste belge Paul Delvaux) ou d’autres graphismes de style psychédélique.

Discographie :

1958 : Du chant à la une !
1959 : Serge Gainsbourg N°2
1961 : L’Étonnant Serge Gainsbourg
1962 : Serge Gainsbourg N°4
1963 : Gainsbourg Confidentiel
1964 : Gainsbourg Percussions
1968 : Initials B.B.
1968 : Bonnie and Clyde
1969 : Jane Birkin – Serge Gainsbourg
1971 : Histoire de Melody Nelson
1973 : Vu de l’extérieur
1975 : Rock Around the Bunker
1976 : L’Homme à tête de chou
1979 : Aux armes et cætera
1981 : Mauvaises Nouvelles des étoiles
1984 : Love on the Beat
1987 : You’re Under Arrest

En savoir plus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Content is protected !!