Film – Blow Up (1966)

L’intrigue du film évoque 24 heures de la vie d’un photographe de mode glamour, Thomas (David Hemmings), inspirée par celle d’un vrai photographe de la revue “British Vogue” (dont le siège est à Londres), David Bailey. Ce film, réalisé par Michelangelo Antonioni, a son scénario basé sur la nouvelle “Las babas del diablo” (Les Fils de la Vierge) de Julio Cortázar.

L’histoire :

Dans la première scène, Thomas se réveille après avoir passé la nuit dans une maison de repos où il a pris des photos pour un recueil artistique qu’il va éditer. Il est en retard pour une séance photo avec Veruschka von Lehndorff (jouant son propre rôle) dans son studio, ce qui le retarde ensuite pour une séance avec d’autres modèles plus tard dans la matinée. Il s’ennuie et s’éloigne, laissant les modèles et le personnel de production dans l’embarras. Alors qu’il quitte le studio, deux adolescentes qui aspirent à devenir mannequin, une blonde (Jane Birkin) et une brune (Gillian Hills) demandent à lui parler, mais le photographe les ignore et s’éloigne pour se rendre dans un magasin d’antiquités.

Errant dans le parc Maryon, il prend des photos de deux amants en train de flirter. La femme (Vanessa Redgrave) est furieuse d’être photographiée et demande à Thomas de lui remettre le négatif, mais il refuse. Quand elle s’en va rejoindre son petit ami qui est parti, Thomas la poursuit et la prend en photo en train de courir.

Thomas déjeune avec son agent et remarque un homme qui le suit et regarde dans sa voiture. De retour dans son studio, la mystérieuse femme du parc arrive pour demander le négatif photographique, mais il refuse de le lui donner. La femme se présente comme s’appelant “Jane” et tente de séduire Thomas en enlevant son haut pour l’inciter à remettre le film et les négatifs. Thomas accepte sans aller plus loin, mais il tend délibérément à Jane un autre rouleau de négatif vierge inutilisé. Elle écrit à son tour un numéro de téléphone et le lui donne.

Après le départ de Jane, Thomas commence à développer les photos qu’il a prises ce jour-là. Ses nombreux agrandissements (le mot se dit “Blow Up” en anglais) du négatif en noir et blanc sont granuleux mais il trouve quelque chose d’étrange. Dans les photos de Maryon Park, Thomas distingue un homme se cachant dans les buissons près de Jane et de son petit ami et en les agrandissant, il voit qu’il tient une arme à feu (c’est le même homme qu’il a vu en train de scruter sa voiture plus tôt dans la journée). Dans les plans où Jane est en train de le fuir alors qu’il la prend en photo, Thomas remarque également quelque chose au sol, qui semble être un corps dans l’herbe. Le photographe a l’impression qu’il vient d’assister à un meurtre. Thomas est dérangé par un coup à la porte, mais ce ne sont que les deux filles qui reviennent et s’offrent à lui. Après leur départ, à la tombée de la nuit, Thomas retourne au parc pour enquêter et trouve un cadavre (l’amant mort de Jane), mais il n’a pas apporté son appareil photo. Il ne tarde pas  sur l’endroit et fuit, effrayé par un craquement dans les feuillages…

Le film fit scandale à sa sortie en Grande-Bretagne : en effet, c’est la première fois qu’on montrait dans un film britannique des corps féminins entièrement dénudés (en l’occurrence, ceux de Jane Birkin et de Gillian Hills). Mais bien vite, la critique est séduite par les qualités esthétiques du film, qui, sélectionné pour le festival de Cannes 1967 devient un des favoris, et remporte finalement la palme d’or.

Détails sur le film et son tournage :

Antonioni, réalisant son film à Londres, avait tenu à amener là-bas toute une équipe technique italienne, engendrant des frais de production considérables. Au bout du temps de tournage imparti, il s’entretient avec son producteur (et ami) Carlo Ponti, et lui fait valoir qu’il a besoin d’une rallonge de crédit pour terminer son film : il n’a pas encore tourné la scène centrale notamment, celle du meurtre. Commune à tous les cinéastes « à dépassement », l’habitude d’Antonioni est de ne jamais tourner au début les scènes importantes afin de faire pression sur le producteur le moment venu : cette fois, Carlo Ponti ne cède pas. Antonioni doit rentrer en Italie, et envisager le montage du film sans certaines des scènes essentielles à la compréhension du spectateur.

Les différentes scènes de parc sont principalement tournées à Maryon Park dans le quartier de Charlton Village, sud-est de Londres. Afin que la pelouse du parc où se promène le personnage de David Hemmings ressorte bien à l’image, Antonioni la fit recouvrir d’une couche de peinture verte. Dans la scène du club où Michael Palin des Monty Python fait une apparition, se produisent les Yardbirds avec Jimmy Page et Jeff Beck à la guitare (instrument qui ne survivra pas à sa prestation), ainsi que Keith Relf qui interprète la chanson “Stroll On”. Antonioni avait d’abord pensé aux Who et au Velvet Underground.

Le photographe de mode britannique John Cowan est l’auteur des photographies et le peintre britannique Ian Stephenson celui des peintures abstraites aperçues au début du film, dans le quartier de Notting Hill Gate. La peinture abstraite du studio de Thomas est du peintre britannique Alan Davie (1920-2014). Elle aurait disparu après le tournage du film. Les agrandissements en noir et blanc des photos du meurtre dans le parc ont été réalisés par Don McCullin, célèbre photographe de guerre, qui avait accompagné Antonioni durant les repérages.

Voir sur YouTube : “BLOW UP – Official Trailer (1966)” par CINEVIEW1

Film – L’Homme de Rio (1964)

Qui n’a pas rêvé de destinations lointaines, d’exploration de territoires vierges et de chasse au trésor, devant ce célèbre film d’aventure réalisé par Philippe de Broca avec, dans les rôles principaux, Jean-Paul Belmondo en jeune bidasse aventurier, Françoise Dorléac en jolie fiancée exigeante et lunatique, et Jean Servais en vieil archéologue envieux qui s’avère être un assassin sans scrupules.

L’histoire :

Une statuette brésilienne de la civilisation maltèque est volée au musée de l’Homme. Elle faisait partie d’un ensemble de trois statues, ramenées par trois explorateurs : le professeur Catalan (Jean Servais) qui travaille au musée de l’Homme, le professeur Villermosa tragiquement disparu et Mario de Castro (Adolfo Celi), qui est devenu un richissime architecte brésilien. Le professeur Catalan est enlevé devant le musée.

Soldat de deuxième classe, en permission pour 8 jours, Adrien Dufourquet (Jean-Paul Belmondo) arrive à Paris pour assister à l’enlèvement de sa fiancée (Agnès Villermosa) par deux inconnus. Sans réfléchir une seconde, il vole une moto et se lance à la poursuite des ravisseurs. Il monte ainsi clandestinement, à bord d’un avion en partance pour Rio de Janeiro. Adrien parvient à délivrer Agnès, mais celle-ci l’engage, avec une magnifique inconscience, dans de nouvelles aventures…

Ils se rendent dans la maison où Agnès habitait avec son père et réussissent à déterrer une des trois statues que ce dernier a enfouie dans le jardin, des années plus tôt. Mais ils se la font voler. Ils cherchent dès lors le troisième archéologue pour le prévenir de ne pas se laisser voler la statuette. Pour le trouver, ils vont en voiture jusqu’à Brasília (alors en construction). Sur le trajet, ils libèrent le professeur Catalan de ses ravisseurs.

Ils retrouvent l’architecte de Castro qui les emmène chez lui où il donne une grande fête en leur honneur. Pendant la fête, de Castro emmène Catalan voir la statue en sa possession, mais celui-ci l’étrangle pour s’emparer de l’objet si convoité. Il s’en va en emmenant Agnès dont il est amoureux. Adrien se lance à nouveau à leur poursuite…

Le tournage :

Le tournage a eu lieu du 16 mai au 2 août 1963 à Paris et au Brésil, notamment à Rio de Janeiro et à Brasília, ville-nouvelle alors en construction et quasi déserte imaginée par Niemeyer. Belmondo a réalisé lui-même toutes les cascades sans protection, notamment celle où il change de chambre en passant par l’extérieur de la façade de l’hôtel à Copacabana ou encore celle où il passe d’un immeuble à l’autre suspendu à un câble et pendant laquelle il a eu une défaillance l’obligeant à revenir en arrière.

Un scénario largement Inspiré par l’œuvre d’Hergé :

De nombreux passages du film font référence aux aventures du célèbre reporter Tintin, imaginées par Hergé, en l’occurrence :

L’Oreille cassée : le musée de l’Homme rappelle le Musée ethnographique (une réplique du fétiche des Arumbayas semble d’ailleurs apparaître à côté de la statue volée), de même que les fléchettes empoisonnées ; Le Secret de la Licorne : la chasse aux trois fétiches, dans lesquels ont été dissimulés trois parchemins qu’il faut superposer face à une source lumineuse, pour voir apparaître la clé de l’énigme : « C’est de la lumière que viendra la lumière » (qui devient dans le film « Tout vient de la lumière ») ; Le Lotus bleu et Le Temple du Soleil : la rencontre et la complicité d’un jeune indigène ; Les Sept Boules de cristal : une malédiction plane sur les trois explorateurs ayant découvert les statuettes sacrées (dans l’aventure de Tintin, ils sont sept à avoir profané la tombe où reposait la momie de Rascar Capac ; Adrien et Agnès, comme Tintin et le Capitaine Haddock, déploient avec difficulté sous une pluie battante, la capote de leur voiture ; Agnès, comme le professeur Tournesol, est kidnappée et droguée par ses ravisseurs afin de pouvoir être emmenée en Amérique du Sud ; Les Cigares du Pharaon : la poursuite de l’hydravion, dans un petit avion volé, se termine par une chute en pleine jungle, rappelant les circonstances de la fuite de Tintin ; Tintin au Congo : Suspendu à un fil au dessus des crocodiles et délivré par un piroguier.

Spielberg s’inspirera à son tour de “L’Homme de Rio” pour ses “Aventuriers de l’Arche perdue” sorti en 1981 :

Lors de la mise en chantier du projet, Steven Spielberg a revu à plusieurs fois L’Homme de Rio, avec Jean-Paul Belmondo, sorti en 1964 aux États-Unis. Il écrivit même plus tard à Philippe de Broca, pour lui dire à quel point son film avait été une source d’inspiration. Ironie du sort, Spielberg, lors de la tournée européenne de promotion des Aventuriers de l’Arche perdue, découvrit les albums de Tintin, dont s’inspira de Broca pour L’Homme de Rio.

Voir sur YouTube : “L’HOMME DE RIO de Philippe de Broca – Official Trailer – 1964” par FURY

Film – Fight Club (1999)

Le film commence très fort, alors que Jack, notre narrateur (Edward Norton), lorgne avec effroi sur le canon d’un pistolet dont l’extrémité est enfoncée dans sa bouche. L’action se situe dans un grand loft avec vue sur la ville obscure. L’arme est tenue par un homme du nom de Tyler (Brad Pitt) qui vérifie régulièrement sa montre, et engage un décompte avant l’explosion des immeubles piégés qui leur font face. Jack se rappelle comment il a rencontré Tyler et nous projette au tout début de l’histoire.

Fight Club est inspiré du livre de Chuck Palahniuk. C’est un de ces rares films qui fait qu’après l’avoir visionné, vous n’êtes plus tout à fait le même. Et bien qu’il commence par la fin, vous n’êtes pas à l’abri de moultes surprises et rebondissements. Certes, le film est violent. Mais la violence n’est utilisée ici que de façon salutaire, comme vecteur d’un message et non comme une fin en soi. Les dialogues choisis sont là pour nous réveiller de notre léthargie de zombie endormi par le système néolibéral et certains passages dénoncent notre société consumériste sans aucun filtre, ce qui n’est pas courant. Le jeu d’acteur est parfait (y a-t-il eu un personnage plus mémorable que Brad Pitt dans le rôle de Tyler Durden?), La musique, le scénario, l’éclairage, le rythme, tout est réussi.

Avec David Fincher, (“Seven”, “The Game”), on pouvait s’attendre à une bonne intrigue et un excellent jeu d’acteur mais au final, on trouve beaucoup plus. Une satire sociale reflétant l’état de notre pauvre monde à la fin du siècle dernier, lequel en l’espace de presque 20 ans, à d’ailleurs bien empiré. Un film qui mérite largement son statut de film culte et vous donne un sacré coup de poing dans la figure…

L’histoire : 

Jack est insomniaque depuis six mois. Son travail en tant que spécialiste itinérant du rappel de produits pour une entreprise automobile n’aide pas son insomnie puisqu’il doit voyager souvent, ressentant des périodes de décalage horaire en plus du stress quotidien de sa position. Comme dérivatif, il parcourt les catalogues d’Ikea ​​en achetant le prochain décor à ajouter à son appartement ; il est un esclave autoproclamé du consumérisme. Il se rend chez son médecin pour demander de l’aide, mais tout ce que le médecin peut faire c’est de lui suggérer de consulter un groupe de soutien de l’église méthodiste pour les malades du cancer des testicules afin de voir ce qu’est la vraie douleur. Là, le narrateur rencontre Robert «Bob» Paulson (Meat Loaf), le «gros nounours», un ex-bodybuilder et utilisateur de stéroïdes qui souffre d’un cas extrême de gynécomastie due à un traitement hormonal après que ses testicules ont été enlevés. Coincé entre les énormes seins de Bob, Jack trouve enfin la paix et éclate en sanglots. La libération émotionnelle lui permet de dormir et il devient ensuite accro aux groupes de soutien, cartographiant sa semaine en assistant à différentes réunions et feignant la maladie. Cependant, l’apparition d’une femme nommée Marla Singer (Helena Bonham Carter) détraque le «système» du narrateur. Il la reconnaît comme une «touriste» bluffeuse, l’ayant vue à de multiples réunions, et il est perturbé par ses mensonges au point de ne plus pouvoir dormir à nouveau.

Après une réunion, Jack se confronte à elle mais elle rétorque qu’elle fait exactement la même chose que lui, que les groupes sont «moins chers qu’un film et qu’il y a du café gratuit». Au lieu de se quereller, ils acceptent de se répartir les séances. Malgré ses efforts, l’insomnie du narrateur continue. Sur un vol de retour d’un de ses voyages d’affaires, Jack rencontre Tyler Durden. Tyler lui offre une perspective unique sur les manuels de procédures d’urgence dans l’avion et entame une conversation informelle. Tyler est un vendeur de savon, mais travaille aussi les nuits en tant que projectionniste et glisse des images subliminales de porno entre les rouleaux de pellicules. Edward arrive à la consigne de bagages pour découvrir que sa valise a été confisquée, en raison d’une vibration mystérieuse, avant de rentrer chez lui. Cependant, la maison, une copropriété située au quinzième étage, a explosé dans la nuit suite à une fuite de gaz. N’ayant nulle part où aller, le narrateur retrouve la carte de visite de Tyler et l’appelle. Ils se retrouvent dans un parking derrière un bar où Tyler l’invite à venir vivre chez lui… à une condition : qu’il le frappe du mieux qu’il peut. Jack, bien que perplexe, se conforme à sa demande et ils s’engagent dans un combat de poing avant de partager quelques verres. L’expérience est pour lui étonnamment euphorique.

Tyler et Jack s’engagent dans d’autres combats au cours des prochains jours et attirent rapidement l’attention d’autres «durs». Constatant la croissance de leur petit groupe de combat, Tyler fonde un club de combat clandestin dans le sous-sol du bar où ils ont eu leur premier combat. Les adhésions augmentent rapidement et Tyler et le narrateur façonnent une série de règles, les deux premières étant «il est interdit de parler du Fight Club». 

Peu à peu, Jack découvre une nouvelle façon de vivre et de voir les choses. Tyler le pousse à s’affranchir des règles sociales, ce qui a vite des conséquences sur son travail. Mais il s’en moque car il a pris goût au Fight Club et à la violence. Par contre, il n’apprécie pas que Tyler commence une relation avec Marla Singer. Il s’inquiète aussi de la dernière trouvaille de Tyler, le mystérieux Projet Chaos qui amène les membres du Fight Club à se transformer en une milice dont le but reste peu clair. Il reproche à Tyler de le tenir à l’écart et décide d’arrêter le projet lorsqu’une opération de sabotage provoque la mort d’un de ses membres, Bob, l’ami du narrateur rencontré lors de sa première réunion de soutient chez les cancéreux des testicules…

Voir sur YouTube : “Fight Club (VF)” par Films YouTube

Film – Usual Suspects (1995)

Usual Suspects, c’est deux films en un. Il est déjà très captivant la première fois que vous le regardez, mais c’est encore plus agréable de le voir une deuxième fois. Le premier visionnement pose des questions auxquelles on essaie de répondre tant bien que mal dans les dernières minutes du film, mais le second est aussi intéressant parce vous connaissez la fin, et ainsi, le film devient beaucoup plus clair. Cela nécessite toutefois un certain engagement. Soyez avertis, si vous arrêtez de vous concentrer pendant un moment, la durée restante du film sera perdue à essayer de comprendre comment ce que vous avez manqué a conduit à ce que vous regardez maintenant.

Le film est réalisé par Bryan Singer et les personnages sont interprétés par Kevin Spacey (Roger «Verbal» Kint), Gabriel Byrne (Dean Keaton), Stephen Baldwin (Michael McManus), Benicio Del Toro (Fred Fenster), Kevin Pollak (Todd Hockney), Chazz Palminteri (Dave Kujan) et Pete Postlethwaite (Kobayashi).

L’histoire :

Le film se déroule à la suite d’un incendie de navire dans lequel disparait totalement la cargaison et l’équipage. Bien qu’inoffensif et handicapé, Verbal est le seul survivant à s’être tiré indemne de l’incident. Il est placé en garde à vue et questionné par la police. Brillamment joué dans un style caractéristique et discret qui a valu à Spacey un Oscar du meilleur second rôle, Verbal doit être relâché. Mais avant d’être libéré, Kujan, un agent des Douanes américaines, se présente pour l’interroger. Kujan essaie de monter un dossier contre Keaton et il veut que Verbal témoigne en échange de l’immunité. Verbal refuse, mais Kujan intimide toujours Verbal en évoquant l’histoire de Keaton, McManus, Fenster et Hockney, menant à l’explosion du navire.

Ce qui suit est une fantastique improvisation de mensonges dans lesquels sont habillement distillés des demi-vérités. Ils sont magistralement décrits comme une série de flashbacks tandis que Verbal et Kujan sirotent un café et parlent au poste de police de Los Angeles. L’histoire commence six semaines plus tôt à New York tandis que Verbal et les quatre autres criminels sont embarqués par la police pour une parade d’identification par des témoins. Aucun d’entre eux n’est formellement accusé d’un crime, mais il y a des soupçons qui pèsent sur Keaton. Avant qu’ils ne soient libérés, les cinq malfrats planifient un braquage pour se venger du NYPD corrompu en volant un trafiquant de bijoux protégé par la police et en laissant fuiter l’implication de la police à la presse. Mais Keaton est réticent et doit être encouragé avec la promesse que personne ne sera tué dans le cambriolage. Il est d’accord et le quintet mène le cambriolage à la perfection. Le jeu et l’écriture sont parfaits, chaque acteur s’immergeant pleinement dans son rôle. Del Toro crée un personnage coloré unique dans son interprétation de Fenster, Baldwin exprime un manque de contrôle imprudent et une grande soif de violence, Pollak montre un courage et une détermination inébranlables, Byrne est un mélange complexe de ténacité et de pulsions qui le tirent dans toutes les directions. Chaque acteur est au sommet de son jeu.

Les cinq criminels se terrent à Los Angeles au lendemain du hold-up de New York. Là, ils sont impliqués dans un autre vol qui est supposé n’impliquer aucun meurtre. Malheureusement, ils se trompent lourdement. Tandis que Verbal raconte les problèmes croissants, l’hostilité de l’équipage et le carnage qui a suivi, l’agent Kujan est informé par un de ses collègues qu’un survivant a été repêché près de l’épave carbonisée du navire. Le témoin est gravement brûlé et ne parle pas anglais, mais il insiste sur le fait que l’homme responsable de la destruction de la vie et des biens sur le navire est le mystérieux et fantomatique Keyser Soze, une légende parmi la fraternité criminelle, un homme que personne n’a jamais vu, un homme si dangereux qu’il est considéré comme le diable en personne…

La dynamique entre Kujan et Verbal lui-même est un pur divertissement. Une sorte de jeu de chat et de souris, des nuances sont jetées dans les procédures qui rendent le dialogue intéressant et ajoutent de la profondeur aux personnages. Même la façon dont l’interrogatoire est filmée est unique. Verbal n’a pas obtenu son surnom sans raison. Il sait comment noyer le poisson et Kujan a du mal à le contrôler. Kujan soupçonne Keaton et croit que Keaton a manipulé Verbal. Mais Verbal est difficile à cerner et Kujan recourt parfois à des tactiques d’intimidation.

Mais qui est Kaiser Soze? A-t-il orchestré la parade d’identification à New York et tiré toutes les ficelles depuis? La cargaison du navire était-elle de la drogue ou seulement une cargaison humaine? Pourquoi Verbal s’en est-il sorti indemne alors que les autres sont morts? Est-ce que Keaton est vraiment mort, comme le certifie Verbal, ou est-ce qu’il s’est enfui, comme le croit Kujan? Est-ce que Verbal dit la vérité? Beaucoup de choses sont révélées dans les derniers instants du film. Des extraits de dialogues du début du film sont évoqués à nouveau, fournissant des indices sur le vrai et le faux dans le témoignage de Verbal. La fin est magistrale. Un film à voir et à revoir…

Voir sur YouTube : “Usual Suspects (1995) bande annonce” par imineo Bandes Annonces

https://www.youtube.com/watch?v=21b1aUttAv4

Film – Un Monde Sans Pitié (1989)

Ce film d’Eric Rochant, est une comédie dramatique qui brosse avec talent le portrait d’un jeune homme désabusé, revendiquant sans complexe son droit à la paresse hérité de la «Bof-génération», celle apparue à la fin des années 1950 et arrivée à l’âge adulte après les événements de mai 1968, qui est devenue «incapable de trouver la passion dans un monde sans émotion». Il semblerait que de nos jours, cette dernière ait plus ou moins disparu pour laisser la place à la “LOL génération”, où le domaine d’expression de la critique de la société est passé de la rue à internet. À moins qu’il ne s’agisse de la “BEAUF génération”, complètement auto-centrée et devenue addict aux smartphones, aux réseaux sociaux ainsi qu’à la télé-réalité.

Incarné par un Hippolyte Girardot parfait dans son rôle d’anti-héros, Hippo rêve d’un idéal féminin, mais veut garder sans vergogne son statut de glandeur professionnel et de parasite de la société. Il assiste sans espoir au déclin d’une France dominée par la crise économique et sociale, un monde en changement où l’amour reste la dernière aventure salutaire. On se souviendra du monologue d’introduction censée refléter la pensée d’Hippo : « Si au moins on pouvait en vouloir à quelqu’un. Si au moins on pouvait croire qu’on sert à quelque chose, qu’on va quelque part. Mais qu’est-ce qu’on nous a laissé ? Les lendemains qui chantent ? Le grand marché européen ? On n’a que dalle, on n’a plus qu’à être amoureux, comme des cons. Et ça, c’est pire que tout. »

L’histoire :

Hippo vit au jour le jour de parties de poker occasionnelles et des magouilles de son frère Xavier (Jean-Marie Rollin), lycéen sur lequel il est sensé veiller, mais qui trafique du shit et invite régulièrement ses amis à des soirées dans leur grand appartement parisien. Sa routine est troublée par les appels de Francine (Cécile Mazan), une femme plus âgée que lui auprès de laquelle il va parfois chercher un peu de tendresse et de réconfort lorsqu’il est au creux de la vague sentimentale. Hostile à toute forme de changement, décidé à rester volage, il tombe cependant amoureux de Nathalie Rozen (Mireille Perrier), une brillante normalienne qui est son opposé, à la fois arriviste dans sa vie professionnelle et sentimentalement coincée. Le choc de leurs deux modes de vie met du piment dans leur rencontre mais révèle l’impossibilité pour Hippo de partager ses sentiments, peurs et espoirs. Alors il se console en traînant ses guêtres avec Halpern (Yvan Attal), son ami d’infortune qui lui aussi est un brin désabusé avec les filles («En ce moment, les nanas elles délirent, elles supportent plus les branleurs. Faudrait tous qu’on devienne des youppies putain»)…

On trouve dans ce film un certain romantisme, comme la célèbre scène de la tour Eiffel qu’Hippo simule éteindre en claquant des doigts à minuit pour épatter sa belle, ou encore, les plans à la robert Doisneau évoquant deux amoureux marchant enlacés au milieu d’une rue parisienne au petit matin. Ce film devenu culte reflète la désillusion des jeunes, avec en fond, la triste absence de vision de nos dirigeants, incapables de mettre en œuvre des projets d’avenir qui portent le peuple grâce à des idéaux moins terre à terre que la consommation et le fric. Comme le dit un vendeur de journaux à Hippo en réponse à sa quête des nouvelles du jour : « Le patronat exploite les salariés, le capital produit de la plus-value et le prolétariat se paupérise. Rien de neuf ». On peut aussi mesurer tout le vide qui sépare Hippo et Halpern de Nathalie et ses amis lors d’une soirée à son domicile. Un fossé qui s’est creusé encore plus depuis 30 ans pour devenir maintenant un abysse d’incompréhension entre Bo-bos, Bofs, Lols ou Beaufs qui chacun vont de leur discours autiste dans la cacophonie de désinformation ambiante.

Ce film fut couronné César du meilleur premier film en 1990 et César du meilleur espoir masculin 1990 pour Yvan Attal.

Voir sur DailyMotion : “Un Monde sans pitié : “Quand la Tour Eifffel s’éteint” par Antoine Beck

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